Qu'elles / ils parlent, chantent, dessinent, photographient, slament ou écrivent,
les membres de l'Association En Parler ont des choses à dire.
Cette page est la leur. Un espace de liberté et d'expression.
"Parler" par Sam
"Pousser la porte"
par Emma
"Vous nous avez donné votre boue, nous en avons fait de l'or" d'Alexia
Parlons,
Car la parole est d'or, et non d'argent,
Car le silence et nous avons fait corps trop longtemps.
Laissons s'exprimer
Cette voix qui s'est brisée sur vos corps essoufflés,
Cette voix que vous avez méprisée, sacrifiée, piétinée.
"Nous avons des rêves, #Nousaussi"
Crient nos esprits ;
"Nous avons des désirs, #Nousaussi"
Hurlent nos corps ;
Tous deux toujours en vie,
En dépit de la mort
Qu'ils ont connue à vos côtés.
Nous ne nous sommes pas défendues,
Entendons-nous, quand vous nous agressiez.
Mais si nous sommes restées prostrées,
Pendant une heure ou des années,
Sachez aussi que depuis, nous n'avons cessé de lutter,
Pour demeurer, pour exister.
Nous sommes déterminées à nous unir
Nous réunir pour combattre les fantômes du passé,
Ces monstres boueux qui viennent hanter nos nuits
Ces monstres boueux qui ne cessent de frapper
Aux portes et aux fenêtres de la Justice.
Vous nous avez fait vomir,
Vous nous avez fait souffrir.
Vous nous avez fait mourir.
Vous nous avez laissé pourrir.
Pourtant aujourd'hui nous avons décidé de vivre,
De transformer toute cette douleur,
De métamorphoser tous ces pleurs
Pour soutenir toutes nos sœurs,
Nos sœurs de souffrance, nos sœurs de combat, nos sœurs de lumière.
"Parler", de Marie-Jo
(présentation de l'Association lors d'une soirée Slam à Bordeaux)
"On nous a menti" par Krystèle
Adolescente, je croyais que les garçons et les filles étaient égaux, différents mais égaux. Je croyais que je pouvais exercer tous les métiers, celui qui me comblerait le plus. Il ne tenait qu'à moi de le décider. Je croyais que les femmes étaient libres de sortir d'une relation qui ne leur convenait pas, le divorce était désormais accepté. J'ai été élevée par une mère seule, qui avait fait ce choix. J'avais une belle théorie : On aime une personne, pas un sexe. Sur le papier, c'est joli. Aimer une personne pour ce qu'elle est à l'intérieur et non pour son enveloppe corporelle. Cela faisait de moi ce qu'on appelle aujourd'hui une pansexuelle.
Et puis j'ai eu 17 ans. J'ai découvert l'impulsivité masculine, le non-respect pour mes désirs ou mes non-désirs. J'ai été violée. Une partie de moi est morte dans cette relation. Ma liberté. Ma foi dans l'humanité. Mes espérances de jeune fille. Je me suis résignée. Le monde dans lequel je pensais évoluer n'existait pas. L'emprise de l'homme sur la femme était une réalité. Ma volonté importait peu, finalement. Alors à quoi bon l'exercer ? Je me suis coulée dans le moule. Celui de la femme soumise, qui existe pour satisfaire son conjoint, pour lui plaire, et qui s'oublie elle-même. J'ai poursuivi ma route, désormais coupée en deux. Ma volonté, qu'il fallait taire, alors que j'entamais une thèse sur le libre arbitre. Quelque chose en moi résistait à l'injustice. Je cherchais cette volonté perdue, étouffée. Et puis je me suis habituée, aux hommes qui insultent ou humilient dans la rue, qui prennent possession de parties de mon corps dans le métro, comme s'il leur appartenait. Pour continuer à vivre, on détourne le regard, on ferme les écoutilles. On fait comme si tout cela n'existait pas. Pourtant l'adolescente savait que c'était dégradant, humiliant, anormal.
On nous a menti. On nous a fait croire que les femmes étaient libérées, que désormais l'égalité régnait dans nos sociétés occidentales. Que le couple est un choix d'amour. Que la femme peut prendre du plaisir sans honte, sans culpabilité. J'ai découvert la réalité, comme de nombreuses autres femmes, sans en parler, car cela ne se fait pas. Et puis après tout ce n'est pas vrai. C'est révolu, ce temps-là. Tu délires, tu es trop sensible. J'ai connu plusieurs hommes qui ne voyaient pas le problème. Qui se sentaient agressés quand ma volonté étouffée se mettait à s'exprimer, par bribes. Alors le désir de fuir le conflit, d'apaiser les tensions, prévalait. Pauvres femmes que nous sommes, à toujours vouloir arrondir les angles, on se fait marcher dessus, en toute complicité. Le monde que j'ai rencontré m'a forgée, m'a déformée.
Ce message s'adresse à tous, hommes et femmes d'aujourd'hui : Ouvrez les yeux, ne mentez pas à vos enfants, dites leur la vérité pour qu'ils puissent transformer ce monde inégal, injuste, violent. Pour que l'adolescente que j'étais reprenne vie, il aura fallu 20 ans. 20 ans pour percevoir la réalité dans tous ses replis, pour effacer ce mensonge auquel je croyais et qui m'a mise en danger à de nombreuses reprises. Non, ma volonté n'est pas respectée. Dans de nombreux cas, elle est niée, voire réprimée, par la violence verbale ou physique, par la menace ou le harcèlement. Je suis une femme française née au XXème siècle, qui a découvert la sexualité à l'orée du XXIème siècle. Je ne pense pas être la seule, loin de là. Ouvrons les yeux.
Nous commençons à percevoir l'ampleur des dégâts. Mais la réponse n'est pas massive, car la moitié de l'humanité se sent coupable, de n'avoir pas vu, d'avoir possiblement exercé cette violence physique ou verbale, elle a peur d'être accusée. Et elle a raison. Il m'aura fallu 20 ans pour accuser. Aujourd'hui ce sont des milliers de vies de femmes brisées par l'omerta. Pour ne pas les blesser, eux, ou pour se protéger. Ne nous voilons plus la face : pour guérir un cancer, il faut le détecter, accepter son existence. Pour guérir le mal sociétal qui nous ronge encore aujourd'hui, il faut accepter que non, hommes et femmes ne sont toujours pas égaux, la violence est toujours exercée à l'envi par ceux qui n'ont jamais cessé d'être en position de force. Par ceux qui utilisent, manipulent, violent, parfois sans même le savoir.
J'aimerais pouvoir dire que la plupart des hommes ne sont pas comme ça, qu'il y a les bons et les salauds. Ce n'est pas si simple. Tous les rouages de notre société encouragent les hommes à adopter les mêmes comportements, ils ne sont ni punis, ni critiqués ou inquiétés pour des choses qui, si elles sont à la source de nombreuses vies avilies, piétinées, sont pourtant abondamment minimisées, relativisées, voir niées. Aujourd'hui, je voudrais que ma parole soit entendue, que la parole de toutes ces femmes qui subissent cette réalité prenne sa juste place, que, messieurs, vous n'ayez plus peur de cette parole, mais acceptiez de vous remettre en question, au quotidien, dans vos habitudes les mieux ancrées et pourtant les plus humiliantes. Nos corps nous appartiennent autant que le vôtre vous appartient. Notre consentement doit être respecté autant que nous vous respectons dans votre dignité. Nous partageons cette planète et les sentiments humains peuvent être si beaux. Rendez-vous compte du gâchis que vous perpétuez. Faites-le pour que les adolescentes de demain croient en ce monde auquel je croyais, mais que cette fois-ci ce ne soit plus un mensonge.
"L'alcool et le sang" par Sandrine
Assise, tête baissée, hagarde, je range ma rage en dedans.
Je la laisse là, à portée, pour me prouver que je peux encore exister.
Tu n'es pas un étranger, non. Et pourtant, tant de fois tu m'as violée.
Moi, je t'aimais et je croyais que tu m'aimais aussi.
Notre rencontre était comme un éclair, une folie...
Nous nous étions trouvés, nous les écorché.e.s de la vie. Et voilà, tout est dit...
Sans famille, sans patrie, nos cœurs se sont souris.
Pour moi qui n'étais qu'un cafard - enfin, c'est ce qu'on m'avait dit - te rencontrer fut, je le crus, la chance de ma vie.
Malheureusement, les adolescents sont de piètres amants et pour ce qui me concerne, je n'y connaissais rien avant.
Bien élevée dans l'idée que la femme doit toujours céder, répondre à tes assauts de plus en plus pressants était comme un devoir, un serment.
Alors, peu à peu, la vie a quitté mon corps, que je t'ai laissé pour que tu puisses en jouer. Des ricanements sarcastiques d'enfant malveillant parvenaient à mes oreilles, comme un saignement.
Car, voyant que je m'abandonnais, tu es de surcroit devenu méchant.
Pendant que tu me déchirais - et tu savais ce que tu faisais - mon âme flottait quelque part, évasée. Le son de tes ahanements étaient sourds et mon corps gourd.
Ah, ce que tu t'amusais avec cette poupée gonflée !
Cela fait maintenant 30 ans que je t'ai rencontré. 27 ans que de toi, je suis physiquement débarrassée.
Je n'ai jamais pu construire ma vie affective après ce cauchemar sanglant, car tu t'es employé à ce que plus jamais personne ne me voit. Mais surtout, ne te réjouis pas.
Je suis beaucoup plus forte que ça.
Aujourd'hui je peux enfin en parler, et si ces mots sont crus, ils sont encore bien loin de la réalité.
Nous sommes comme ça des centaines de milliers à avoir ou être encore abusé.e.s. Enfants, femmes, jeunes hommes. Car oui, les faibles comme tu l'es ne s'en prennent qu'à des sujets vulnérables qu'ils savent manipuler.
Les dégâts sont certes faits, mais ensemble nous savons nous réparer.
Abuseurs, violeurs, pédophiles, tremblez, car vous n'imaginez pas le raz de marée que la parole peut engendrer. Bientôt, et nous y travaillons, s'en sera fini de l'impunité.
Allez vous faire soigner et foutez nous la paix.